La force majeure au Québec : définition, exemples et application en droit civil québécois
- Anmol Trehin
- 23 oct. 2023
- 4 min de lecture
Au cours de la pandémie de COVID-19, les tribunaux ont constaté une augmentation marquée des cas où l'on invoque la force majeure ou la force supérieure comme moyen de défense. Devant cette situation de plus en plus courante, on doit examiner les contextes qui entourent ces litiges et d’en expliquer les causes sous-jacentes.
Lorsqu’une personne ne respecte pas ses obligations contractuelles, elle doit réparer le préjudice causé à son cocontractant [1]. Considérons l’exemple d’une compagnie de développement web, que nous appellerons Créations ÉclatWeb, qui a manqué de livrer un site web à la date convenue. Cette situation a entrainé des pertes financières chez l’entreprise de commerce électronique de son client, Produits Étoile. Créations ÉclatWeb serait tenue responsable des dommages subis et devrait indemniser Produits Étoile. Toutefois, Créations ÉclatWeb pourrait se dégager de sa responsabilité en démontrant qu’elle était dans l’impossibilité de respecter ses obligations contractuelles en raison d’une force supérieure [2].
Une situation récente où les tribunaux ont connu une hausse du nombre de dossiers alléguant la force supérieure a été la pandémie de COVID-19. En réponse à la pandémie, nous voyons maintenant des contrats qui incluent des clauses de force supérieure tenant compte spécifiquement de la COVID-19. Avec la recrudescence des litiges liés à la pandémie et l’évolution de la rédaction contractuelle, nous avons vu le moment opportun pour bien saisir la notion de force majeure dans le contexte du droit civil québécois.

La force majeure dans le Code civil du Québec
Au Québec, l'article 1470 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») dispose que :
"Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer.
Les trois éléments essentiels de la force majeure sont donc : i) un événement imprévisible, ii) un événement irrésistible, et iii) des causes externes.
L'événement imprévisible
L'imprévisibilité s'analyse au moment de la formation du contrat. La question à se poser consiste à déterminer si les parties pouvaient prévoir l’événement au moment où elles ont conclu leur entente. Si l’événement en question correspond à la COVID-19, la pandémie était-elle prévisible au moment de la signature du contrat entre les parties ?
Imaginez qu’un événement astronomique rare, une pluie de comètes, a perturbé les services Internet locaux pour une durée imprévisible alors que Créations ÉclatWeb était sur le point de terminer le site Web de commerce électronique de Produits Étoile. Cet événement, qui était impossible à prévoir au moment de la conclusion du contrat, a empêché Créations ÉclatWeb de téléverser les fichiers finaux du site Web, entraînant ainsi un retard dans la livraison du projet.
L'événement irrésistible
L’irrésistibilité signifie qu’exécuter l’obligation est devenu absolument et de façon permanente impossible. Cela exclut donc les situations où l'exécution aurait pu être retardée sans causer de préjudice.
Dans un autre scénario, Créations ÉclatWeb se trouve au cœur d’un événement irrésistible. Une cyberattaque grave et soudaine a ciblé plusieurs serveurs de leur centre d'hébergement, affectant leurs systèmes et leurs données de sauvegarde. Malgré toutes les mesures de sécurité mises en place, l’attaque s’est avérée extrêmement sophistiquée et inarrêtable. Elle a entrainé la perte temporaire de fichiers de projets cruciaux et un retard inévitable. Ce retard a occasionné un préjudice à l’entreprise de commerce électronique de Produits Étoile.
La cause externe
Une cause externe échappe au contrôle des parties ou de leurs mandataires. L'événement de force supérieure invoqué ne doit pas découler d'une faute de l'une des parties ou de leurs mandataires.
Enfin, prenons une autre situation où Créations ÉclatWeb a dû faire face à des causes externes hors de son contrôle. Une panne de courant majeure, touchant toute la ville, s'est produite en raison d'un incendie électrique important à la sous-station locale. Cette cause externe les a empêchées d'accéder à leurs ordinateurs, serveurs et données de projet. En conséquence, l'entreprise de développement web n'a pas pu travailler sur le site web pendant une période prolongée, entraînant un retard dans l'achèvement du projet.
L'effet de la force majeure
La force supérieure permet à une partie de se libérer de l’exécution de son obligation et d’éviter la responsabilité découlant du préjudice causé à sa ou son cocontractant. Pour Créations ÉclatWeb, nous avons présenté trois scénarios distincts afin d'illustrer les diverses occurrences potentielles de force majeure. Toutefois, pour réussir à satisfaire les critères de la force supérieure, chaque scénario devrait démontrer la présence des trois éléments : imprévisible, irrésistible et une cause externe.
Exemples d'événements de force majeure
On a déjà considéré certains événements comme des cas de force supérieure, notamment les tempêtes de verglas, les tremblements de terre, les ouragans, les guerres ou encore les états d’urgence déclarés par le gouvernement. Cependant, on doit analyser chaque condition de la force majeure selon ses propres mérites, et on ne peut pas comparer deux situations.
Les clauses de force majeure dans les contrats
La notion de force majeure s’applique à la fois aux situations contractuelles et extracontractuelles. La présence d’une clause de force majeure n’est pas nécessaire pour l’invoquer dans un contrat. Cependant, les parties peuvent, par le biais de leur entente, définir les situations qu'elles considéreront comme un événement de force majeure. D’autre part, une clause contractuelle peut stipuler que les obligations d’une partie se maintiendront malgré la survenance d’un événement de force supérieure. Dans un tel cas, cette défense deviendra inopérante pour la partie contractante.
Conclusion
On doit bien saisir la notion de force majeure en droit civil québécois, surtout dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Rappelez-vous que la partie qui invoque la force majeure a le fardeau de prouver les trois éléments essentiels : l'imprévisibilité, l'irrésistibilité et la cause externe. Les parties peuvent se dégager de leur responsabilité en respectant ce fardeau de preuve. Bien que les clauses de force majeure dans les contrats puissent définir des événements spécifiques, on peut parfois se dispenser de les inclure.
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Ce billet de blogue ne constitue pas un avis juridique et est fourni uniquement à des fins d'information générale. Consultez toujours un avocat avant d'agir sur la base des informations contenues dans le présent document.
[1] Article 1458 C.c.Q.
[2] Article 1470 alinéa 1 C.c.Q.
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